Nouvelle LADY KYOTTA

Nouvelle LADY KYOTTA

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Emilie

 

Emilie ajusta son pas et sauta lourdement une des nombreuses flaques d’eau boueuse qui parsemaient son sentier  quotidien.

A son poignet était agrippée une mignonne petite fille potelée, visage légèrement triangle, cheveux  rassemblés en fausses nattes avec  une multitude de pompons qui la faisait ressembler à une jolie fleurette. Elle était vêtue d’un pantalon jean et d’un tricot blanc, le tout assorti de petites sandales fluo rose en caoutchouc.

La fillette avait fait le même mouvement que sa mère … Mais sa trajectoire trop courte l’avait conduite en plein au bord de la flaque et ses petits pieds éclaboussèrent ceux de sa mère…

« Plaff ! »

Emilie sauta de coté mais ne put éviter la giclée boueuse sur ses sandales en peau, neuves. Elle s’enflamma contre sa fille.

 

-Anissah ! Tu ne peux pas faire attention ? Je t’avais demandé si tu pouvais sauter les flaques et tu m’as dit oui… je t’aurais prise, sinon ! Regarde ce que tu as fait !

 

Anissah regarda sa mère avec inquiétude et ne put que bredouiller une excuse.

-Pardonne-moi maman, je n’ai pas voulu te salir ! 

 

Emilie était furieuse. Les gestes d’impatience qu’elle venait de produire avaient emmêlé ses cheveux qu’elle portait longs. Avec sa coiffure négligée façon sauvageonne qui lui tombait jusqu’aux épaules, elle avait l’air ainsi agitée, d’une méduse. Elle regarda les petits yeux suppliants de sa fille et se rendit compte qu’une poudre jaune était posée sur le nez d’Anissah. Intriguée, elle chercha d’où cela pouvait venir et se rendit compte qu’Anissah tenait dans sa main restée libre un magnifique Hibiscus rouge épanoui… certainement arraché au passage devant cette cour fleurie sur le parcours…A peine avait-elle terminé cet examen que Anissah se mit à éternuer…pour cause, elle était allergique au pollen…

-Atchoum ! Atchoum ! Atchoum !

Emilie arracha la fleur des mains d’Anissah et la jeta  avec colère dans la boue. Anissah se mit à crier de désespoir.

-Ma fleur ! Ma fleur ! Maman, tu as jeté ma fleur !

Anissah voulut ramasser sa fleur mais sa mère l’en empêcha rudement.

-Ça suffit comme ça, Anissah ! Tu as décidé de me rendre folle, c’est ça ? Combien  de fois t’ai-je dit de ne pas jouer avec des fleurs, hein ? Tu vas te rendre malade et nous occasionner des frais inutiles comme la dernière fois !

Anissah regarde sa mère avec tristesse. La dureté du regard d’Emilie s’adoucit au fur et à mesure qu’elle se rendait compte qu’elle discutait avec une petite fille ; sa petite fille…

Arrêtées au beau milieu du chemin, dans cette boue malodorante, elle se sentit ridicule de se chamailler avec une enfant.

 

Mahiley, la vendeuse de poisson passait justement avec sa bassine pleine de morceaux dorés sur la tête. Marchant pratiquement dans les flaques d’eaux d’un air désinvolte, elle jeta un regard furtif plein de mépris à Emilie et continua son chemin, non sans lancer cette phrase piquante : « Toujours la même chose ! Tu crois qu’on est chez toi, dans ton beau quartier ? »

 Emilie le savait.  Dans le coin, on la considérait comme la « bourgeoise » perdue dans un quartier populaire. Le fait qu’elle s’adaptait mal à sa nouvelle situation de vie la mettait à part…On ne comprenait pas non plus pourquoi elle malmenait tant Anissah, sa fille que tout le quartier aimait pour sa politesse, sa bonne humeur et sa spontanéité avec tout le monde.

Christian, le père d’Anissah était aussi un gars du coin. Lorsqu’il avait décroché son diplôme de Technicien mécano, la chance ne lui avait pas souri tôt…. Il avait été obligé d’être apprenti dans des garages environnants avant de trouver un  boulot  à peu près stable chez M Emile, Emile Daurchet, un Français d’environ 50 ans, belle allure, riche, bon cœur… Christian y était à l’essai pour les tests des essieux et autres écrous… Pourvu qu’il y reste…

Emilie, elle, était styliste à l’origine… Mais elle avait eu beaucoup de difficultés pour s’installer. En plus, être styliste dans ce qu’elle appelait « ce bled », ce n’était pas gagné… Elle avait fini par devenir l’employée free lance de Sédess, une dame qui avait bien connu sa mère et avait bien voulu l’aider… Elle s’y rendait, ce matin là. Et Anissah avait réussi à lui salir le bas de sa jupe blanche…

Emilie après avoir considéré tous ces paramètres fit taire sa fille  avec une friandise que ses frères offraient en stock pour Anissah : des bonbons mous sans sucre.

-Si tu n’arrête pas de pleurer pour cette méchante fleur qui t’a rendue malade…Je mangerai ton stock de bonbons mous de la semaine !

Anissah protesta avec énergie et sécha ses larmes  immédiatement. Elle sautillait autour de sa mère.

-Nooon, c’est pas juste ! C’est à moi, c’est à moi !

Emilie fit sortir de son sac à main, deux bonbons qu’elle tint bien haut.

-Alors, qui cessera de pleurer ?

-C’est Anissah ! C’est Anissah !

-Bien ! Alors marché conclu !

Emilie approcha les bonbons et Anissah ouvrit la bouche, récupéra ses bonbons et le bout du doigt de sa mère, comme d’habitude, cela voulait dire qu’elle n’était plus fâchée.

-Aïe, cannibale !  

Emilie et sa fille se sourirent. Emilie prit  sa fille dans ses bras et toute deux continuèrent leur chemin.

 

Extrait de la nouvelle Lady Kyotta parue aux Editions CHAPITRE.COM. 

Les 13 premières pages sont disponibles via ce lien:

''http://jepubliemonlivre.chapitre.com/product.php?id_product=2900''

Les bénéfices obtenus pour chaque livre acheté seront entièrement reversés à l'Oeuvre. Bonne lecture!

 

Lumeria & Leana Davidson

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